Il le voyait bien cet air renfrogné qui lui indiquait clairement que Yulian ne changerait pas d’avis. Le débat était stérile, néanmoins, Hitoshi sourit et lève les yeux au ciel. Il se sous-estimait surement, il en était persuadé. Têtus tous les deux, il valait mieux se concentrer sur quelque chose de plus productif et leur préoccupation du moment était de taille, cependant bien moins préparée qu’eux à faire face au nombre de pilleurs. Le mode bourrin fut décidé, pour une guerre ouverte à ceux qui avaient osé la déclarer. Le silence de la forêt fut seul témoin de la boucherie dont ils étaient dorénavant responsables. Les cheveux aux reflets bleus de l’Asiatique retombaient sur son front en quelques mèches discrètes à chaque mouvement, souvent ses pirouettes appuyées sur son bâton. Il remerciait son matériel hors-jeu pour les quelques prouesses accomplies, déterminant pour ceux qui sauraient capter le détail, son niveau et son statut. Ni l’un ni l’autre n’était à plaindre. Les revenus, peu importe la manière dont ils étaient faits, étaient relativement conséquents et si Hitoshi gardait un certain capital pour lui, le reste pourtant il le destinait à des œuvres bien plus honorables à son sens. Cependant, il ne pouvait nourrir l’un sans que l’autre ne suive.
Les coups sont nombreux, parfois portés par lui, d’autres reçus, mais ils ne sont pas suffisamment douloureux pour qu’il se laisse perturber assez longtemps. La surprise est forcément au rendez-vous, permettant à l’adversaire de prendre un avantage qui ne lui sera pas longtemps octroyé. Ils étaient deux contre toute une bande, cependant bien plus redoutables par leurs niveaux et expertises. Le nombre ne signifie rien, fort heureusement, et la peur n’a jamais fait partie d’Hitoshi, pas pour le virtuel. Et s’il devait s’inquiéter, c’était qu’il y avait une dimension personnelle plus que pixellisée. Il adorait percer les secrets de ce monde et profiter de ses bienfaits, mais ils étaient parfois traitres et cette attaque-surprise en était la preuve. Peu importe, maintenant, il n’y avait plus que l’amas d’objets et de fortunes amassé par ces pilleurs. De véritables petits trésors qui ne l’intéressaient pas. Un léger sourie se dessine sur son visage une nouvelle fois tandis qu’il s’assoit près de Yulian. « C’est vrai, mais l’argent ne m’intéresse pas plus que les armes. Les quêtes à la limite, mais s’ils s’en souviennent, elles leurs permettraient de nous tendre des pièges. Quant au contenu de quête ? hm… ça dépend quoi et encore, je préfère distribuer tout ça » à qui ? Les limites de ses mots expriment énormément sans les avoir prononcés. Pour savoir qui était dans le besoin, il devait passer outre les barrières de sécurités. C’était une infraction sévèrement réprimandée et qui conduirait davantage aux receveurs plutôt qu’à lui qui savait comment ne pas être retracé. « Mais, tu peux te faire plaisir » il ne le jugerait pas, c’est un dû gagné justement. Ces idiots n’avaient qu’à pas les attaquer, s’ils le regrettaient, ils ne pouvaient s’en prendre qu’à eux-mêmes. « J’aime cet endroit, c’est dommage qu’il soit toujours pris d’assaut par des groupes comme celui-là. J’espère que la prochaine salve nous laissera un temps de répit » avant qu’ils n’enchainent de nouveau. Plus ils restaient au même endroit, plus nombreux seraient les pilleurs informés par les premiers et ainsi de suite. Est-ce que ça changeait quelque chose ? Pas du tout et malheureusement, sans le vouloir Hitoshi grimpait dans le classement. Cependant, il s’arrêterait là où il en aurait envie et pourrait éventuellement faire redescendre sa côte si elle venait à grimper trop rapidement. Il savait par expérience qu’il n’en aurait pas besoin, ses activités étant loin d’être en lien avec le podium, le temps saura l’éloigner de nouveau de ce dernier.
« Tu as coincé des tricheurs ces derniers temps ? » Question anodine, simple curiosité pour savoir quels étaient les motifs de leurs arrestations. Il connaissait Yulian et savait pertinemment qu’il était relativement permissif selon les cas. Alors c’était toujours intéressant de connaître ceux qu’il ne laissait pas passer au travers des mailles de son filet. Une chance que cet homme soit dans le top, parce qu’il donnait un exemple qui plaisait à Satori qui l’encourageait toujours dans cette quête de la justice qui ressemblait à la sienne.
L’assurance avec laquelle le groupe marchait, armes en mains et à l’affut du moindre piège prouvait à elle seule la valeur qu’avaient leurs deux têtes réunis. Si Satori eux un léger rictus, la raison n’est aucunement son égo flatté. Il était à la fois amusé et désespéré. Ce n’est pas une armée digne de films sur un thème d’action, ça n’est qu’une réunion de brigands qui se donnent des airs. Mais plus encore, au-delà de cela il voyait les hommes accrochés à leurs visiocasques qui s’accrochaient à leurs avatars comme si leurs vies étaient réellement ce qui se produisait en jeu. Aucun d’entre eux, n’étaient héros, quand bien même il y en aurait un dans le lot pour prétendre le contraire, il ne le croirait que sur preuve matérielle tant ça lui semblait peu probable. Lui-même n’était qu’un grain de poussière dans ce désert de pixels. Un hologramme finira par le remplacer un jour où son cœur cessera de battre pour une raison ou une autre. Tous n’étaient que de faibles humains plus ou moins à l’abri dans ce monde en ruine et ne mettant pas en danger leurs existences futiles, passagères et dénuées de sens pour le temps qu’ils occupaient tous ailleurs. C’était la force des choses : devoir s’adapter, évoluer par le biais du virtuel pour espérer une amélioration bien trop lente sur du concret.
Il les regarde donc passer, petit scorpion dont les pattes s’agitent plus rapidement que le serpent arpente lentement les parois de la grotte. Aucun d’eux n’est assez prudent pour se méfier, pour les prendre à leur propre jeu, appuyant sur leur incapacité à se mesurer à eux. « En effet… Mais je suis certain qu’ils sont assez idiots pour se faire avoir séparément » peut-être pas tout de suite, mais sur le long terme c’était même lui qui s’en assurerait. Il acquiesce à la question le tatoueur, suivant son homologue tout en prenant garde à rester dans l’ombre. Si le serpent se fond dans les recoins, lui se fond dans les ombres afin que leur présence n’inquiète ni ne soulève de suspicion. « S’il pouvait y avoir un éboulement par leur connerie, ce une bénédiction » pour ce qui est d’eux, se retrouver coincé ne lui faisait pas peur le moins du monde. Ils pouvaient toujours se téléporter vers un ami, un logement, qu’importe du moment que le couloir principal les engloutissait tous. Il hausse les épaules, pouvant voir au travers de sa propre illusion ainsi que celle qu’il avait posée sur l’avatar du jeune homme. « Tu explores souvent la map seul ? » pour quelle que raison que ce soit, c’était son cas à lui et il se demandait si hormis cet aspect particulièrement apprécié pour les vastes étendues parfois restées inexplorées de cet univers, il y avait d’autres enjeux. Bien qu’il ne s’en mêlerait pas à moins d’y être invité s’il y avait une quête ou une carte au trésor qui l’avait conduit par ici. Son expression demeure toujours neutre, plutôt avide d’observer les fines nervures formant les rebords des galeries comme si un courant d’eau était autrefois passé par là. autrefois c’était ce qui était gênant pour lui, l’histoire était peut-être millénaire, mais le jeu lui était fort récent en comparaison d’une planète qu’ils foulaient et qui regorgeaient de merveilles comme celle-là… en vrai.
La pression monte, l’air est plus pesant, mais pour eux c’est habituel. Certains chassent l’homme impunément, qu’ils soient ou non des combattants, une clause qui aurait dû être définie selon Hitoshi afin d’éviter aux petits niveaux de se faire massacrer par l’appâts du gain d’expérience. Bienvenue sur undercover où tout est permis et où il s’obstine à corriger les comportements défaillants. Il ne pourra pas dire avec précision si ces avatars tout autour d’eux, petits points lumineux sur la carte qu’il avait en visuel étaient de cette trempe. Après tout, son niveau témoignait de ses bords : un ‘touche à tout’ qui avait évincé nombre de participants aux élections de ce fameux top dont fait partie Yulian. Ils sont nombreux à vouloir détenir le prestige d’une place si coûteuse et les raisons sont toutes aussi variées, beaucoup ne sont pas pour le meilleur et donnent un exemple qu’il voudrait voir disparaître. La lumière de son sceptre danse au rythme des mouvements qu’il effectue lorsqu’enfin les premiers suicidaires se jettent sur eux, se dématérialisant à une allure si vive que les suivants n’ont pas plus le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Game Over s’affichait sur le casque, la sensation désagréable d’avoir été vidé de toute sa substance et les trésors qui s’amassent à leurs pieds. Lui n’en veut pas, il les laisse aux autres, expérience gagnée facilement et argent qui lui est inutile, il prend soin d’envoyer à ses victimes un message pour leur connexion prochaine : la prochaine fois, je serais moins clément .
Le tout premier du classement ? Il s’en mord les lèvres, refusant même d’y penser. Lui qui aurait voulu grimper les échelons il y a quelques années pour la plus pure des raisons avait retenu la leçon : trop d’heures passées à jouer, à s’agiter sans relâche, trop de regards posés sur son avatar et par-dessus tout : les intentions de chacun, fort peu honorables, assez pour que des esprits malades, corrompus par un virus appelé addiction les poussent à agir sur le réel. Il frissonne d’horreur, fait preuve de précision autant que de violence lorsqu’il assène ses coups pour mieux annoncer son plan. Ils n’avaient plus qu’à s’enfuir au signal du classé. Les voilà dans le décor, devenu ombres pour mieux surprendre leurs assaillants. Un rictus à peine prononcé, le tatoueur acquiesce. Ils ont fait l’erreur d’appeler le reste de leur guilde : partager les biens et l’expérience de deux joueurs hauts niveaux. Ce simple message en disait long sur leur mode de jeu quotidien, ça n’avait rien d’un hasard et c’est pour quoi ils allaient payer.
À force de rester trop longtemps dans une position, l’Asiatique en fait craquer son dos, étirant ses muscles en toute discrétion. « Je ne saurais pas dire si tu me surestimes ou si tu te sous-estimes. Une chose est sûre : tu as bien plus de qualités pour en faire partie que je n’en aurais jamais » il ne voulait pas être regardé, compromettre ses propres plans et être le modèle de qui que ce soit. Ses intentions à lui sont loin d’être louable si tenté qu’elles soient condamnables au même titre que celles de la racaille avide de leur faire la peau. « Le mode bourrin les surprendra assez pour qu’avec ou sans vocal ils se fassent détruire quand même » au sens propre comme au sens figuré, bien que tuer soit un interdit aux yeux du monde entier, quand il s’agit d’undercover, les limites sont moindres. Seule celle de la combinaison prouve qu’ils ne se font pas réellement tuer. « Profite, ils ne nous voient pas sur la map et tu es couvert par mon illusion, on peut se lâcher » c’était peu dire. La forêt reprend vie, comme un présage de ce qui allait se produire : en un éclair, il n’y aurait plus qu’eux et le respawn se faisait généralement dans la ville enregistrée comme favoris ou au lieu du domicile du joueur. Bientôt, ces lieux propices au crime allaient retrouver leur tranquillité. Bientôt, ils pourraient bouger et discuter.
Il y avait tant à faire dans ces plaines et pourtant, il n’avait pas le loisir de les explorer à sa convenance. À deux reprises dérangées, son sort se limitait à courir ou combattre et les joueurs qui en avaient fait sa cible étaient pour le moins tenaces. Une véritable plaie dans sa conquête de paysages uniques, inspiration certaine pour un artiste tatoueur, dessinateur dont les talents n’étaient que très peu exploités dans ce jeu polyvalent. Une inspiration profonde témoigne de son agacement et les yeux bleus de son avatar s’ancrent à ceux de son partenaire d’infortune. Surprise qui apaisait ses envies de meurtres et seul spectateur pouvant attester de ses capacités d’hacker. En somme : impossibilité d’y remédier aussi facilement qu’on claque des doigts. Satori n’ira pas s’en plaindre, dans sa fierté il apprécie grandement la compagnie de l’autre artiste. Mais bien vite il se rend compte que le caractère et le pseudonyme ne sont pas ceux escomptés. Ah, il s’était donc trompé. Il était face à la copie conforme, si ce n’est quelques attraits choisis ou non, d’un ami. Une rencontre hasardeuse qui tombait si bien qu’elle en ranimait la bonne humeur du tatoueur. Les pas se pressent, les chuchotements aussi. Les idiots téméraires ont l’arrogance de parler sur le vocal général bien que ce soit évident qu’ils jouaient ensemble. Hitoshi, lui n’avait d’autre choix pour l’instant, questionnant Neptune sur sa préférence entre quelques animaux du coin. Il était si aisé de perturber quiconque avec un manque flagrant d’informations données, cependant l’inconnu avait un esprit vif et donna rapidement sa réponse. « Bon choix » lui se chargerait d’être un scorpion, petit insecte aussi redoutable que son homologue invertébré et tout aussi fréquent dans cette grotte. Il les avait repérés. La faune locale était particulièrement riche, un atout précieux dont il ne se privera pas de jouer.
La question qui lui fut posée le surpris, qu’avait-il en tête ? Préparer un coup de maître et les anéantir, tous ? Ou simplement explorer ? Plusieurs pistes étaient encore à prévoir, cela dit, tous deux manquaient de temps. Il pouvait la prolonger tant qu’il le souhaitait, mais sans ses manipulations de développeur, Hitoshi pouvait tenir assez longtemps pour les mettre à l’abri. « Deux heures » plus l’illusion était complexe et moins il tenait. Son niveau cependant était assez élevé pour leur offrir deux heures de tranquillité. S’il avait été seul, trois ou quatre auraient été faisables, néanmoins jouer la prudence et ne pas trop pousser sur les limites de son pouvoir lui semblait plus approprié. Dans la foulée, Satori lance une invitation d’ami à l’intention de l’explorateur, privilégiant ainsi un chat vocal privé pour ne pas se faire repérer. Une fois d’accord, les deux hommes voient les pixels danser autour d’eux, changeant la forme de leurs avatars pour n’en faire que de petits animaux communs. « C’est parti » quelques minutes à peine après leur transformation, les premières têtes apparaissent, ombres projetées par leurs outils, armes et autres artifices fort utiles dans ces grottes, ils se scindent en plusieurs groupes pour explorer les galeries et dans leur hâte, ne mettent pas plus de quelques minutes pour constater qu’il n’y avait rien d’intéressant. Au sol, leurs traces laissaient clairement croire qu’ils s’étaient téléportés. La déception est grande, mais pour les deux espions elle était d’une satisfaction extrême. Chaque nom, chaque avatar, Hitoshi allait les retenir. Plus tard, les game over allaient pleuvoir.
Une vie ailleurs… c’était ce qu’il croyait et il aurait tant aimé que ce soit le cas, il aurait tant aimé qu’elle soit là. Mais on l’a lui avait pris et cette rencontre qui aurait dû être la plus belle avait été la pire. Il déglutit, acquiesce simplement. En dehors du jeu, il dessinait, il explorait les terres endommagées de ce monde oublié et négligé, il encrait la peau d’inconnus, injectait une part de lui avec eux dans ces œuvres qu’il considérait comme étant plus louables que celle d’un monde qui n’avait rien de palpable et de réel. Pourtant, il l’aimait ce jeu et il aimait ce que ça pouvait lui apporter de positif. À l’intérieur, il n’y a aucune différence entre les deux mondes qu’il côtoie. Ses émotions sont aussi réelles pour l’un que pour l’autre, ne l’aidant pas à se décider sur ce qu’il s’était promis de faire. En avait-il envie seulement ? Perdre tout ce travail, tout ce temps passé auprès de personnes qu’il pouvait qualifier d’amis ? Il n’y réfléchit pas plus, demandant quel serait le programme plutôt.
Le rire qui secoue la barbe rasée de son acolyte le fait sourire à son tour. Il pouvait s’attendre à tout venant de lui et ce regard était toujours pris d’émotions tout aussi fortes que celles qu’il cachait au fond, tout au fond de lui. Véritables démons que chacun porte différemment et qui siéent mieux au saveleader, de toute évidence. Du moins voulait-il le croire. Fort, il ne doutait pas qu’il le soit cet ami-là et ça n’avait aucun rapport avec leurs niveaux pour lui. C’était autre chose, c’était cette envie de vivre, peu importe où. S’il ne pouvait pas contraindre Yulian à réduire sa consommation de pixels, c’est bien parce qu’ils pouvaient discuter librement du sujet et qu’ils se comprenaient. Deux paradoxes, voilà ce qu’ils étaient.
La forêt se fait silencieuse, étouffante dans sa verdure foncée, elle se teinte et devient plus épaisse, la cime des arbres gagne un peu plus le ciel, les emprisonnant entre l’écorce et la terre à perte de vue. Les troncs réduisent l’espace entre eux et les oiseaux ne chantent plus, en rythme avec leurs souffles. Ils n’étaient plus seuls. D’un regard entendu, il sourit, tend le bras et fait apparaître le sceptre de son inventaire. « Oui, toi et moi » réplique-t-il en confirmation à ce qu’ils savaient déjà tout deux. Quant au plan, il lui semblait parfait. « Ah ! Parfaitement d’accord » il était certain que les game over allaient pleuvoir, mais ça, ce n’était pas son problème. À chercher le sommet, on en perd l’objectif principal. Pas Yulian. Dos à dos, ce n’était plus qu’une question de seconde avant que l’attaque ne surgisse. Ce que l’ennemi ne savait pas, c’était qu’il avait d’ores et déjà mis en place une illusion afin de les rendre plus dociles, lui et Yulian, comme s’ils n’étaient pas assez en garde. « Ce doit être fatigant d’être sur le podium, je compatis » dit-il. Même si le classé était fier de son statut, y parvenir ne voulait pas dire que l’asiatique allait le dénigrer, personne ne choisit d’être célèbre dans ce jeu, mais il faut prendre des décisions et parfois, elles sont plus lourdes à porter pour les à côté que pour l’accomplissement d’un objectif fixé. Le premier coup de bâton sur la droite freine l’élan d’un adversaire. Une épée se coince sur la lune de son sceptre, il en profite pour le repousser du pied et user d’une magie offensive matérialisée par une aspiration d’énergie. Il y en eut quelques autres, mais jamais il n’allait se décaler à moins de suivre Yulian de sorte que l’un assure les arrières de l’autre et inversement. Fort heureusement ils n’étaient pas nombreux à s’être lancés en premier. Lâche qu’ils étaient d’avoir attaqué en groupe, bien que ce soit une stratégie gagnante face à leurs niveaux. « J’ai bloqué leur signalement pour l’instant, ils veulent en rameuter d’autres. On pourra bouger sur ta gauche, à ton signal »
Quelques fils dorés se forment, les vents soufflent et les dunes détournent leurs chemins pour créer ces mini tornades dont les grains assemblés forment un voile lacté de couleurs chaleureuses. Un ciel dans son esprit et une terre d’un bleu océan, voilà ce dont il rêvait. Ce fut de courte durée. Satori détestait être dérangé et aurait bien mis les quelques intrus en pièce s’ils n’étaient pas si nombreux. D’un coup de baguette il pourrait les mater, donner une bonne raison à leur présomptueuse nature d’exister. Mais il était fait du même bois et se servirait de ces mêmes outils afin de les duper. Pourquoi mettre tant d’efforts quand la ruse est une canne sur laquelle il s’appuie. Fidèle amie, malicieuse elle le lui rend bien sous ses traits de renard au pelage clair, il gambade et se trouve un coin pour mieux s’y cacher. Il reprend son apparence une fois certain d’être assez loin et tombe née à née avec une connaissance aussi à cran, traquée. La menace d’une arme pointe presque sur sa gorge quand il ne présente lui aucun signe distinctif de leurs bourreaux. Calmement il acquiesce, écoutant en levant les yeux, les pas d’une guilde sanguinaire. « Ils veulent les hauts niveaux » ce qui était ridicule puisqu’ils l’étaient pour une bonne partie eux même. Sur son écran interne, l’artiste les repère. Les illusions sont limitées, mais elles serviront afin qu’ils ne mettent pas la main sur eux. « Heureux de te revoir, pas dans ces conditions. « Scorpion, fennec, serpent, une préférence ? » si troublant qu’il puisse être de cette question étrange, elle a son intérêt dans l’usage qu’il en fera et il sourit d’avance en imaginant son compagnon prendre momentanément les traits d’un animal né du désert lui-même. Il aurait pu les rendre plus redoutables, mais ce serait courir le risque de les exposer selon les connaissances de leurs assaillants et c’était hors de question. Plus les créatures étaient communes, plus ils avaient leurs chances de sortir et de s’éloigner suffisamment pour gagner une ville. Les joies de l’exploration sont malheureusement contraignantes, mais Hitoshi s’en fera une aussi de les éliminer, un par un, récoltant sur un clavier virtualisé les pseudonymes à ajouter sur sa liste, un peu trop vide ayant pourtant fait déjà de nombreuses victimes. Un simple game over n’est rien de méchant…
Sidonia avait des propriétés apaisantes sur lui. À défaut de pouvoir profiter du plein air, d’un ciel azuré où le soleil n’était pas un halo fantomatique derrière son voile grisé, Hitoshi se perdait volontiers là où la cime des arbres pouvait presque toucher les filets vaporeux, limpides qui servaient de nuages. Il était muni de son matériel, profitant de la vue, du chant d’oiseaux disparus de la terre ou sortis de l’imagination de quelques développeurs qui comme lui pouvaient parfois apporter des nouveautés significatives ou non, pour le meilleur comme pour le pire. Il ne préférait pas y penser, se remémorant malgré lui ces livres qu’elle lui avait prêtés virtuellement et reconstituait la faune et la flore d’autrefois. Les guerres ont tout détruit et font encore des ravages aujourd’hui. Le seul espoir en réalité résidait en de petites pousses, des graines conservées dans des centres hautement surveillés et spécialisés pour les cas les plus extrêmes de la déchéance humaine. Leur grand jour était né. C’était sans compter sur les conséquences climatiques qui ne permettraient pas aux anciens écosystèmes de reprendre leur cours… Un jour, peut-être.
Il s’était connecté uniquement pour ça, pour crayonner des esquisses retranscrites IRL grâce à une tablette connectée. Il aime avoir les œuvres originales sous la main, pas le million de copies qui pouvaient être faites à partir du virtuel, mais ça, à part quelques âmes brisées, délicates ou perturbées, personne ne le savait. Une petite led s’était allumé et le son d’une notification pour invitation à téléportation clignotait en transparence dans son champ de vision. Un léger sourire se dessine lorsqu’il voit le pseudo s’afficher. Il n’hésite pas, range ce qu’il a commencé et ouvre un portail pour rejoindre l’ancien policier. Le sourire qui l’accueille lui est rendu, une poignée de main, quelques frictions qui ne durent pas assez pour l’embarrasser et les voilà à échanger déjà. « Je suis content de te voir aussi Jinx-o. Les nuits sont courtes en ce moment » dit-il. Son cauchemar l’avait réveillé assez tôt et le manque de sommeil n’avait pas suffi à ce qu’il se rendorme. Au lieu de ça, une fois ses yeux habitués à son environnement et quelques instants hors écrans passés, il s’était connecté. « Envie d’explorer, de faire une quête ? Je suis partant pour n’importe quoi » du moment qu’il pouvait passer du temps avec un ami. Si connecté qu’il pouvait-être, Hitoshi n’était pas nécessairement bavard, très solitaire, il était agréable d’avoir un peu de compagnies, pas n’importe laquelle. Mais pour lui, top ou non, il n’y avait pas de différence, un être humain restait un être humain. « Tu as l’air de vouloir en découdre » dit-il, amusé en constatant que malgré la douceur de leurs échanges sommeillait toujours ce passé à vif, pour l’un comme pour l’autre qui les rappelait à l’ordre et les forçaient à compenser. L’adrénaline sous toutes ses formes était un bon moyen. Quelle que soit la décision de Yulian, il le suivrait. Par ailleurs, son affirmation était en réalité une question. Qu’est-ce qu’il y a ?
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