Les mains déjà moites, le cœur battant la chamade et le regard fébrile, Parker ne cessait de fixer le sol, à la recherche des meilleures formulations qu'il puisse trouver. Assis là sur ce banc, à se faire un sang d'encre monstre, le jeune homme attendait la fin des cours de Ren, bien décidé à l'accoster. Après leur rupture, ils n'avaient plus eu l'occasion de reparler en face-à-face. Le Suzuki l'avait bloqué de partout, que ce soit son numéro ou sur Undercover. Ses innombrables messages s'étaient retrouvés noyés dans la masse et le jeune lycéen n'y avait pas répondu, le laissant dans la confusion la plus totale. Était-ce à cause de leur manque bancal de liberté qui l'avait poussé à prendre cette décision ? Qu'il ne voulait plus le voir ? Que la passion s'était effritée au point qu'il ne veuille plus de lui ? Il ne pouvait pas entièrement lui en vouloir. Ren avait toujours été ce gamin très énergique, à courir partout de son pas bruyant et de ses cris de joie contagieux. Alors, lorsque Parker lui avait demandé de refréner cette ardeur, il ne s'était pas attendu à ce qu'il dise oui, à ce qu'il fasse l'effort pour lui. Depuis, il s'était juré de tout faire pour que la tâche ne lui soit pas trop lourde à porter, qu'il ferait tout pour le garder. Mais quelque chose avait fini par se fissurer, il ne sut quoi.

La sonnerie du lycée retentit jusqu'ici et le Queens eut le réflexe de se lever du banc, se dirigeant vers les grands portails de l'école, tel un parent attendant son gosse. Les mains dans les poches et le visage dissimulé sous une casquette et un masque, Parker sentait son pouls s'accélérer au rythme des élèves sortant de l'enceinte du lycée. Une bonne dizaine de minutes s'était déjà écoulée. Minutes durant lesquelles Parker put reconnaître le grand-frère de Ren, ainsi que sa jumelle, mais pas ledit jeune homme lui-même. Comme s'il faisait tout pour que son cœur explose sous l'anxiété.

Et enfin il l'aperçut, là au loin avec ses cheveux bleu électrique en bataille. Quel idiot. Pendant un bon moment, le plus vieux des deux resta immobile, fixé au sol, comme paralysé. Paralysé par la peur d'être de nouveau rejeté. « R-Ren ? » dit-il en baissant son masque, laissant son identité lui être révélée. « Ren, s'il te plaît... » Son ton se faisait déjà larmoyant tandis qu'il restait toujours figé au même endroit, la voix tremblante. « Laisse-moi te parler. »

Et il n'avait jamais autant aimé les cours de sport. Un échappatoire semblable à undercover lui permettant, l'espace d'un moment, d'oublier sa sale note d'histoire, les tâches quotidiennes l'attendent chez lui et, surtout, soulageant partiellement le poids lourd de son coeur brisé, l'anesthésiant d'adrénaline le temps d'une heure ou deux. La sonnerie retentit, marque l'arrêt, libère enfin les adolescents de leurs devoir et il est le dernier à sortir du terrain, le dernier à s'habiller, le dernier à laisser les vestiaires à demain. L'un des derniers à quitter le lycée, sachant pertinemment qu'il rattraperait Ahreum sur le chemin du retour en quelques foulées. Ramenant ses cheveux en arrière d'un geste de la main, n'améliorent en rien leur discipline inexistante, il contourne le portail pour emboîter le premier pas dans la rue avant de s'arrêter.  Son prénom attire son attention et ses yeux s'agrandissent soudainement, lui collant cet air surpris de famille à la peau. Park ? Qu'est s'que tu fous- Là. Dans la réalité, encore plus. Et pendant cette unique fraction de seconde, il en oubliait leur situation. Les messages ignorés, le profil bloqué ne lui laissant plus d'autre porte que celle-ci ; devant son lycée à l'attendre. Il en oublie toute leur histoire douloureuse, il en oublie que lui-même voulait le voir hier soir en se le refusant, à se convaincre d'avoir pris la bonne décision, à se rappeler sa discussion avec son père. Une seule et unique seconde où il avait été surpris et content de le voir, avant que le battement de coeur suivant ne le rappelle à l'ordre. Il détourne les yeux, ses doigts se crispent sur la lanière de son sac de sport alors que son autre main gratte nerveusement sa nuque. ah mais ma mère m'attend pour un ……. un truc. Comme si sa mère pouvait bien l'attendre pour quoi que ce soit. Et les trucs de sa mère n'avait jamais été les trucs de Ren. Le long silence éteignant ses mots, la preuve que lui-même en a conscience, que ça tient tellement pas la route. Ren veut simplement fuir, ne pas y faire face une seconde fois mais c'était pas aussi facile de s'éloigner de lui. C'est pas facile, ça l'avait pas été et ça l'était toujours pas. Ren, coincé entre sa piètre excuse et l'envie irréfléchie creusée par le manque de son absence, parce que les sentiments n'avaient pas été le problème. ok mais ...jpense pas que c'est une très bonne idée … Il souffle, presque trop bas. Pour une fois, il ne s'empressait pas de foncer vers la mauvaise décision. Quelle ironie franchement.

Park. Une pointe de nostalgie s'installa dans son cœur à l'entente de ce surnom, comme si cela faisait bien trop longtemps qu'il ne l'avait pas entendu. Pendant un instant, il crut que Ren avait été heureux de le voir, avant que le doute ne revienne en remarquant son expression fuyante. Inévitablement, l'angoisse gonfla dans sa poitrine douloureuse tandis qu'il serrait fortement les poings dans les profondeurs de ses poches. Le regard triste, Parker tenta quelques pas en sa direction, s'arrêtant à une distance raisonnable au cas où le plus jeune ait l'idée de le fuir. Ce qu'il tentait infailliblement de faire en inventant une excuse que le Queens détecta facilement comme étant un mensonge. « Idiot. » dit-il dans un souffle. Après tout ce temps à nager dans l'incompréhension et le chaos, Parker avait toutes les raisons du monde pour le frapper, lui balancer ses quatre vérités à la gueule, lui hurler à quel point il n'avait été qu'un imbécile. Pourtant, son corps entier restait bloqué, comme incapable de faire autre chose qu'avoir les larmes aux yeux à sa vue. Parce que tout était en partie de sa faute. Peut-être que s'il avait été moins égoïste... ?

Pris d'un nouvel élan, Parker posa avec douceur sa main sur celle de Ren, comme pour l'apaiser. « Je ne te retiendrai pas longtemps, promis. » dit-il en resserrant sa main autour de la sienne. Ce contact lui avait manqué. Sa peau contre la sienne. Ses prunelles posées sur lui. Sa chaleur rassurante. Tout de lui. Et, comme s'il se retenait de commettre l'irréparable, le plus vieux attrapa le poignet du Suzuki pour le tirer un peu plus à l'écart de la foule, afin d'avoir la discussion qu'il réclamait tant. Mais même éloignés de la masse, Parker ne lâcha pas le poignet du jeune homme pour autant. « ...C'est à cause de mon père tout ça, c'est ça ? » demanda-t-il, cherchant vraisemblablement à avoir des explications, à être éclairci sur la situation. « Je suis désolé, je ne pensais pas que ça serait si... douloureux à vivre. » Il n'osait même plus le regarder dans les yeux, comme honteux. « Mais tu me manques, Ren. Beaucoup. »

Il se souvenait encore très bien de son état après l'avoir quitté. Il s'était simplement effondré sur son lit, face contre oreiller, étouffant et souffrant, avec l'impression désagréable d'avoir crevé quelque chose en lui. Tout lui échappait, ses propres décisions comme la vitesse de ses sentiments, expérimentant pour la première fois une relation qui n'aurait pas dû être si puissante dès le départ. Il avait pris chaque décision radicale comme il le faisait toujours, comme lorsqu'il prenait la décision idiote de grimper trop haut et qu'il en tombait. Sauf que cette fois, ce n'était pas un mal physique qu'il encaissait, cette douleur dont il n'avait crainte. Et il se retrouvait confronté à ses propres plaies sans les comprendre. Pourquoi ça lui faisait encore mal, si c'était la décision qui lui semblait juste ?  Une décision qu'il avait réfléchi. On lui avait dit que le temps aidait et soulagerait mais ça ne lui avait jamais semblé aussi lourd qu'à l'instant, face à lui. Comme si sa vue, cette confrontation, n'était qu'une claque de plus au visage, leur rappelant ce qu'ils n'étaient plus. Le manque lui faisait oublier les raisons mais la souffrance qui s'était installée bien avant restait réelle. Faiblir n'arrangerait rien, revenir en arrière ne changerait rien.

Sa main contre la sienne, la droite, et un frisson le parcourt jusque l'échine, une sensation imperceptible. Pourtant, ils le ressentent tous les deux. Il sait que lui aussi, et il sait qu'il peut sûrement le voir. Ses yeux se relèvent enfin franchement vers les siens et il le sent, il le voit. Parker est dangereux, Parker le rend si faible, si fragile, à peine sa peau effleurant la sienne. Ca lui tord littéralement le coeur et ses pieds sont si lourds qu'il n'aurait pas bougé même si il en aurait eu l'envie à l'instant. Ok Y a que ça qui sort maintenant, alors qu'une part de lui voudrait qu'il le retienne longtemps. Bordel. Il se content de le suivre à l'écart, de s'éloigner du lycée et il ne rattrapera probablement plus Ahreum à présent.  

Si le désordre persistait dans son esprit, il n'avait aucune idée que c'était le cas pour le plus âgé. Aucune idée qu'il n'avait pas de réponses à plusieurs questions, car tout avait été fait à la façon de Ren. Pour lui, c'était évident que le fautif n'était autre que son père.  ouais… de ça, aussi. De lui, de Parker lui-même. Il désigne son masque, sa casquette, en faible accusation. Ce déguisement parce qu'il ne pouvait pas être vu en sa présence sans que son père ne se fâche. Des chaînes. Des putains de limites dont il était fatigué. ...pourquoi tu continues toujours de lui obéir ?  Ca lui brûle les lèvres malgré lui, ce pourquoi inlassablement répété. Parce que lui, Ren, il s'en fiche. Il se fiche de l'autorité de sa mère, il s'en fiche car il appartient à cet autre monde, sans comprendre qu'il bousculait celui de Parker. c'est pas douloureux pour toi ? Ca t'énerve pas ? ça te donne pas envie de, de ... j'sais pas, de -- tu vois?! Lui, ça le faisait rager. Lui, ça l'étouffait, comme une main autour de la gorge. Comme si on le retenait alors qu'il avait ce besoin d'avancer. Mais ça le frappe presque aussi vite ; son père avait raison. on a des rythmes différents, s'pour ça... Il souffle à nouveau, les paroles en souvenir, en écho avec la discussion qu'il avait eu, sans se soucier si le Queens en saisissait quoi que ce soit.

Comme si cela avait été une habitude bien trop ancrée, Parker s'était doucement emparé des doigts de Ren pour jouer avec, histoire de diminuer les tourments qui consumaient ses pensées. Puisque cela avait toujours été ainsi entre eux. L'un apaisant l'autre, l'autre stimulant l'un. Ils avaient fini par se perdre dans ce labyrinthe de sentiments, se rendant mutuellement fous au point que tout finisse par imploser. De temps en temps, le regard du Queens se risquait à croiser celui du plus jeune avant de bien vite s'en détourner pour recommencer l'action encore et encore. Observer le visage du Suzuki était un supplice qu'il ne pouvait supporter. Le supplice de ne pas pouvoir craquer, mais aussi de voir ses yeux remplis de déception à son égard. La déception de ne pas pouvoir être libres. Par réflexe, Parker leva une main vers son masque lorsque Ren le désigna. Un item devenu indispensable à force de le porter. Le symbole d'une vie qu'il n'avait pas choisie mais que, pourtant, il se devait de faire avec. Une vie qui lui posait bien plus de problèmes que de facilités.

Mais pourquoi continuait-il alors ? Le Suzuki avait bien raison de se poser la question, mais que dire pour qu'il comprenne ? Qu'il voit à quel point rien n'était aussi simple, du moins pas autant qu'il le voudrait. Un soupir traversa ses lèvres tandis qu'il rassemblait assez de courage pour lui expliquer. « Ren... C'est mon père. » dit-il, les mots lourds de signification. « Il est... la seule famille qui me reste. Je ne veux pas que notre relation se détériore encore plus. Je ne veux pas qu'il perde son fils aussi. » Sur la fin de sa phrase, ses doigts se resserrèrent un peu plus autour de ceux de Ren, comme cherchant quelque chose à agripper. Depuis que sa mère avait disparu, tout était devenu très tendu entre eux. La bâtisse n'avait plus connu la même chaleur d'antan, et au fond de lui, Parker avait toujours cru qu'il pourrait y faire quelque chose. Mais c'était comme s'il ne cessait de s'enfoncer, prenant Ren avec lui dans cette descente sans le vouloir, le blessant sans le vouloir. « Bien sûr que c'est douloureux. » La voix de nouveau tremblante et les yeux légèrement humides, le Queens se ressassait tous les moments où il avait dû se retenir, par peur du regard de son père, des paparazzis. De peur d'empirer encore plus les choses pour Ren alors qu'il le faisait déjà de sa retenue. Telle une lame à double tranchant.

« Des rythmes différents ? » questionna-t-il, peu sûr de saisir ce que voulait exactement dire le lycéen. « Mais je peux faire encore plus d'efforts, Ren. S'il te plaît. Je peux trouver plus de temps pour toi. Je peux enlever ce masque s'il te dérange autant. Je peux... faire tellement de choses. » Lentement, il rapprocha son visage de lui tandis qu'il prononçait ces mots, le regard à présent noyé dans le sien. « Mais s'il te plaît, je ne veux pas te perdre. » supplia-t-il doucement, l'air larmoyant.

Il aurait pas dû accepter, il aurait même sûrement dû fuir en courant tant qu'il en avait encore eu l'occasion pour ne pas se retrouver coincé dans cette situation. Ce moment redouté où, face à Parker, tout devenait si confus, aveuglé par le toucher de ses doigts s'accrochant aux siens comme il se serait accroché à son coeur. Soudainement, tout était remis en question, tout était en équilibre dangereux sur la balance et ça aurait été tellement plus simple si il n'y avait pas eu les sentiments.  

Mais ça n'effaçait pas le passé, les raisons pour lesquelles ils en étaient là. Les raisons pour lesquelles il lui avait dit au revoir. La faute au père, au fils ou à Ren lui-même. Peut-être même qu'il y avait pas vraiment de fautif, seulement personne n'y trouvait son compte, à être malheureux à s'aimer.  ouais mais, je sais pas, il pourrait comprendre au moins…. Il souffle, sans force dans la voix alors que pourtant, ouais, ça le foutait hors de lui. On lui avait dit qu'il aura eu la chance d'avoir obtenu rapidement la compréhension de ses parents. Que la mère Suzuki n'avait pas le comportement impartial mais restait une mère aimante et se souciant de ses enfants. Et quand bien même il savait tout ça, il savait pourquoi Parker obéissait, il ne pouvait s'empêcher de demander encore la même question, comme ne saisissant pas alors qu'il sait, il entend à nouveau la même raison, il entend le même raisonnement qui ne lui plait pas et comme le sachant déjà, il sent ses doigts se resserrer encore un peu plus. C'est douloureux pour tous les deux. Malgré tout, il se demandait si le Queens aurait pu vivre ainsi, si Ren n'avait pas été le premier à craquer.

on avance à des rythmes différents, tout le monde a des rythmes...heu… Un froncement de sourcils alors qu'il tente avec peine de se souvenir des mots exacts de son père, sans réel succès.  Comme si… Comme une course, tu vois ? t'arrives pas à courir assez vite et moi à freiner et... Et c'est bien, tu vois, de pas courir trop vite, mais... tu vois, moi, je...   Et il perdait ses mots, à faire face à son regard presque noyé. A lire sa peine sur son visage se rapprochant du sien. Ca lui faisait mal, Ren. Ca le foutait mal de le voir dans cet état, prêt à craquer, prêt à lui offrir des efforts alors qu'il…   Aish… C'était pas réfléchi, c'était Ren. Il préfère lâcher son sac de sport retombant à leurs pieds pour être celui qui réduira le dernier espace entre eux. Peut-être une erreur. Sûrement une erreur, celle qu'il regrettera au moment de s'éloigner… Mais c'est déjà trop tard, sa main libre est venue appuyée contre son dos avant d'encercler ses épaules pour l'attirer contre son torse. Et malgré lui, malgré toutes ses résolutions, il soupire en fermant les yeux à cette chaleur entre ses bras, comme une bouffée d'air. Un bien fou et une douleur immense à la fois. Il regretterait ce geste et sans doute ne serait-il pas le seul, à filer de l'espoir là où y en a peut-être pas. mais ça sera toujours pareil...faudra se cacher et attendre...je sais même pas quoi. Ouais, il avait jamais compris ce qu'il attendait. Que son père l'accepte ? Il avait compris qu'il l'accepterait jamais, comme il avait compris qu'il ne devait pas attendre, mais s'y résigner. Et ça...Ca, c'était au dessus de ses forces. je veux plus me cacher. J'en ai marre Park...j'en ai marre de devoir faire attention.

Parker enviait Ren. Il l'enviait pour les relations familiales qu'il possédait et dont il ne se rendait vraisemblablement pas compte de la valeur. Mais il savait aussi que le plus jeune ne vivait pas ce qu'il était en train de subir, n'avait pas conscience des difficultés qui le tourmentaient au quotidien, ne se rendait pas compte que les familles aussi compréhensives et tolérantes que la sienne, il n'en existait pas des milliers. Alors même si le Suzuki lui avait déjà posé de nombreuses fois cette même question, le Queens y répondait assidûment, la même réponse collée aux lèvres. Il aurait aimé qu'elle soit différente, qu'elle soit porteuse de plus heureuses nouvelles, qu'elle soit comme il le souhaitait. Mais la vérité était autre, s'imposant parmi les illusions qu'ils osaient encore se créer.

Le plus vieux jeta un regard confus en direction de Ren lorsqu'il tenta de lui expliquer cette histoire de vitesse, chose dont il ne saisissait pas vraiment le sens. Un léger sourire teinté de tristesse avait néanmoins réussi à apparaître sur ses lippes. Cette facette du lycéen avait toujours réussi à lui remonter un tantinet le moral, lui faisant oublier le reste l'espace d'un instant. Il avait parfois une logique qui le dépassait, le faisant souvent plus pouffer de rire qu'autre chose. Ce don pour le faire rire en toute circonstance, Parker en était devenu complètement accro, si bien qu'il ne l'avait tout simplement plus lâché.

Le plus vieux n'avait pas su quoi lui répondre, quoi dire pour le rassurer, quoi faire pour le retenir encore un peu. Et il aurait pu céder, si ses bras ne l'avaient pas soudainement encerclés, lui offrant cette chaleur apaisante bien connue. Le Queens n'avait pas hésité une seconde de plus pour passer avec allégresse ses bras autour de Ren, sa tête reposant mécaniquement sur son épaule afin d'y cacher son expression tiraillée et mélancolique, à deux doigts de craquer. Il l'aimait bien trop pour le laisser s'en aller. Cela lui arracherait bien trop violemment le cœur, de le voir partir, à finir dans les bras de quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui serait peut-être mieux que lui. Parker n'en voulait pas, ne pouvait imaginer une telle possibilité. « Attendre... attendre que je ne sois plus chez mon père... que je sois plus indépendant.. » souffla-t-il. C'était un pari risqué à prendre, et surtout très long pour un impatient tel que Ren. « Je sais, je.. » Se cacher... encore ? Que pouvait-il faire d'autre pour pallier à ce problème ? Parker n'en avait aucune idée, se retrouvant dans une impasse. « J-je suis désolé... » murmura-t-il avec affliction dans son cou tandis que ses bras se resserraient autour de lui. « Je ne devrais pas t'en demander autant mais... je ne vois pas quoi faire d'autre... Je... » Les pensées confuses, Parker releva son visage vers celui du Suzuki, plantant ses orbes embuées dans les siennes. Ses mains trouvèrent leur chemin jusqu'à ses joues, l'obligeant à le regarder. « S'il te plaît, reste avec moi. » supplia-t-il doucement avant de poser brièvement ses lèvres sur les siennes dans un baiser humide.

Sa phrase entrecoupée, le ton fissuré, ses mots en perdent leur sens et leur force à le voir plier sous les émotions. Et il avait craqué. Il avait laissé sa raison tomber pour agir avec naturel, parce qu'il savait pas gérer ça, Ren. Gamin qui n'y connaissait rien, apprenant pas après pas dans cette relation qui l'aura englouti par sa complexité. Pour Parker, et au fond pour lui-même, il n'aura pas pu s'empêcher de l'attirer entre ses bras, d'engager cette étreinte pour y retrouver cette chaleur rassurante, celle qui s'était éteinte il y a quelques semaines.

Attendre. Sa main se resserre contre son épaule et il rouvre doucement ses yeux, à présent rivés vers le sol. C'est toujours la même promesse, le même avenir incertain avec rien de concret entre les mains. Ca faisait plus d'un an qu'il attendait et il aura fallu un an pour que l'impatience l'achève, consumé par un désir trop grand, un besoin indescriptible d'une relation plus libre. Et il avait pas su comment combiner les deux, il savait toujours pas et ils arrivaient pas à en trouver une solution pour les sauver.  Quand, Park ? Quand. Qu'on lui donne une date, un temps précis, une ligne d'arrivée. A quoi bon répéter la situation si rien n'était différent depuis la dernière fois ? Rien qui ne le pousse à se jeter à nouveau entièrement dans cette relation à laquelle il avait peut-être mis fin… Mais dont il rêvait plus que tout. quand tu seras plus chez lui… il l'acceptera toujours pas, on pourra toujours pas se voir sans qu'il le sache... alors..  alors qu'est-ce que ça changera ? C'est qu'une autre cachette de plus Quelque chose gronde toujours en lui, se révolte contre l'idée et sur le moment, il évite presque ses mains avant de le laisser faire la seconde qui suit, bien plus docile, bien plus doux, cherchant presque son contact. C'est paradoxale, emmêlé, à rendre complètement cinglé… Il rencontre son regard pour ne plus s'en détourner. La vue humides à transpercer le coeur, les lèvres à en faire flancher et un baiser en invitation au plus beau des vices. Ca brûle d'envie, d'un manque bel et bien présent. Comment il était supposé se remettre de ça, en fait, hein ? Pourquoi on expliquait jamais ce genre de choses, comment faire face, plutôt que les maths ? Ca le dépasse. Comme ses propres actions le dépassent. Ses lèvres n'arrivent pas à faire autrement, appelant aussitôt les siennes pour une nouvelle rencontre interdite. Je reste...aujourd'hui. Son souffle contre le sien, presque trop réconfortant avant qu'il ne tue une nouvelle fois l'espace. Ses mains viennent lui enlever le masque, puis doucement sa casquette sans pour autant sembler perturber dans son geste répété avec ivresse. Je reste aujourd'hui si tu veux... Juste pour aujourd'hui, même si ce sera douloureux demain.

Parker ne savait pas, ne trouvait pas la fameuse solution à l'équation que représentait leur relation chaotique. C'était le grand blanc dans sa tête, un entre-deux déchirant entre le désir fulgurant de mettre un terme à ce problème et l'incertitude étouffante de la réalité dans laquelle ils étaient plongés. Le Queens voulait retrouver son père, celui qui avait forgé ses racines, mais il voulait aussi retrouver Ren, celui qui était devenu une partie irremplaçable de lui-même. Torturé par ses propres sentiments si opposés, si contrastés, Parker balbutia inévitablement à la question si directe du Suzuki. Quand ? Pris de court, ce fut comme si un poids s'était rajouté dans sa poitrine, l'empêchant de respirer correctement. « Quand je ne serai plus chez lui... Il... Il n'aura pas besoin de le savoir... Je... Il ne pourra plus me dire quoi faire et... Et tu n'auras pas à le c-croiser. » Même Parker n'était pas convaincu par ses propres arguments, perdu, toujours plus perdu et tiraillé au plus profond de lui, car il savait pertinemment que Ren avait raison. Qu'ils ne faisaient que fuir en choisissant ce chemin. Qu'aucun problème ne serait véritablement résolu, simplement déplacé. L'une des issues possible aurait été d'aller parler à son père, lui montrer les problèmes qui pourrissaient leur famille depuis plusieurs années maintenant. Mais c'était encore trop lourd à porter pour Parker, bien trop pour qu'il puisse s'en remettre. Le fera-t-il un jour ? Le Queens allait laisser le lendemain lui répondre, en s'accrochant encore désespéramment à l'espoir qu'il ne sera pas encore trop tard pour lui et Ren. Alors il profita. Il profita aussi longtemps qu'il put de ces légers baisers qu'ils s'échangeaient avec un désir ardent de plus en plus palpable. Il allait se concentrer sur aujourd'hui, sur la chaleur des bras du Suzuki, de ses baisers réconfortants et abandonner son sort aux bras de demain. Peut-être que tout irait mieux ainsi...

Sans rien dire, Parker le laissa lui enlever son masque, puis sa casquette, cédant à son caprice comme il pourrait céder à n'importe quoi à cet instant précis, bien trop enivré par le parfum exaltant de ses baisers charnels. Il l'avait retrouvé, son Ren, l'espace d'une soirée encore. Ému, le plus vieux passa ses bras autour du cou du lycéen, rapprochant leurs deux corps dans un énième baiser bien plus approfondi. Une de ses mains se permit une balade dans ses cheveux, les réarrangeant à sa façon. Il ne voulait décidément plus le laisser partir.

Entre deux baisers, une idée lui était venue. Une idée qui lui permettrait de prolonger cet instant. D'une main experte, il tripota rapidement son poignet pour en retirer sa montre. Puis, avec douceur, il attrapa la main de Ren pour poser l'objet de valeur dans celle-ci, un léger sourire aux lèvres. « Garde-la. Tu me la rendras plus tard. » souffla-t-il contre ses lippes, un regard fou amoureux plongé dans le sien. « Fais-y attention, c'est très précieux. » dit-il avec légèreté avant de déposer un énième bécot sur ses lèvres rosées.

Et ce sera plus simple de fermer les yeux, d'oublier qu'il n'y avait eu aucune assurance suffisante dans les mots de Parker pour recoller les morceaux. Il n'y avait pas de quand, et il n'y en aurait peut-être pas...Alors c'était plus simple de s'abandonner à ses baisers et de laisser les gestes renouer avec les habitudes plutôt que de souffrir aujourd'hui, comme une pause qu'ils s'accordaient. Sa main perdue dans sa chevelure lui arrache un soupire, mourant entre ses lèvres capturées par les siennes, sombrant un peu. Ses doigts accrochent le tissu de son haut avant de resserrer ses propres bras autour de sa taille et il le garde contre lui encore un moment, un si long moment qu'il ne compte plus.

Le souffle chaud, il rouvre les yeux pour faire face aux siens, forcé de s'interrompre et sans résistance, son bras se dénoue de sa taille. Intrigué, la tête s'inclinée d'une interrogation muette, il fixe sa montre au creux de sa paume sans comprendre. Loin, trop loin même de saisir que " rendre sa montre plus tard " insinuait qu'il devrait un jour se revoir.  ...t'es sûr ? Lui, il se souvenait des lunettes qu'il lui avait emprunté. Objet de valeur qu'il n'aura pas mis longtemps avant de laisser tomber… Et il ne fallait même pas parler de ses armes sur undercover. Mais ne se faisant pourtant pas prier, il se détache de l'étreinte, la casquette du Queens posée sur ses cheveux bleus pour en libérer sa main et l'attache à son poignet. Ça valait certainement plus cher qu'il ne pouvait l'imaginer. Plus cher que ses golds sur son compte, plus encore que trois fois son argent de poche.  j'ai rien à te passer Pas faute d'avoir laisser son regard se balader sur son propre corps, ses doigts frottant sa nuque dégagée en signe de profonde réflexion. sauf si tu veux mon contrôle d'histoire mais... Ca lui arrache un sourire, sauf que ça fera sourire que lui. Sa mère allait le tuer mais… Ca aussi, c'était reporté à demain.  je peux t'offrir autre chose..... Se rapprochant tout aussi doucement, laissant traîner ses gestes et sa voix dans un sous-entendu tout aussi peu subtile, ses mains s'emparent de ses hanches pour le ramener à lui.