Zen is the key

Le ruissellement constant de l’eau qui s’écoule par différents chemins, en créant d’autres, multipliant les passages comme une signalétique unique n’a de cesse de fasciner et dans une si grande ville, le brouhaha ambiant aurait dû primer sur le bruit de l’eau. Pourtant, l’ingéniosité des bâtisseurs de la cité aquatique a su jouer sur l’espace afin de donner un maximum de respiration à ses rues, créant ainsi cet écho que nul n’ose troubler dépendant d’où il se trouve. Les longs passages sont privilégiés à l’étroitesse de chemins pouvant conduire à des chutes et renforcent l’idée d’un immense terrain zen qui lui plait tout particulièrement. Hitoshi adore le bleu. Cette pureté même qu’il y voit surpasse celle de tous les éléments. La surface brillante du liquide inspire la féerie d’un paysage ou l’eau n’est qu’un passage vers un tout autre monde. Il note, dans un coin de sa tête que peut-être, la piste était à exploiter, à souffler aux bonnes personnes notamment.

En dépit de son reflet qu’il n’apprécie pas admirer pour le rendre toujours plus vivant et différent, le tatoueur se pose sur l’un des nombreux ilots. Celui-ci a la particularité d’être moins futuriste, plus naturel, si tenté que tout soit virtuel. C’est l’une de ses nombreuses possessions, éloignées afin de bénéficier d’une tranquillité qu’il appréciait au quotidien. Au bord du pont, il est assis, ses membres inférieurs plongés dans la liqueur azurée d’un océan mystérieux et ses doigts venant frôler la surface pour s’assurer de ne pas se happer par l’inconnu. Il attend sagement en fermant ses yeux d’un bleu turquin assortis à ses cheveux aux multiples reflets cependant. La pâleur de sa peau reflète les différents éclats de l’eau inondée d’un soleil généreux et de ses couleurs chatoyantes renforçant cette allure fantomatique. Avec lui ? Un cahier et une tablette lui permettant de dessiner en simultanée dans le monde réel pour peu qu’il insérât les feuilles sur la plaque elle-même. Pas plus grande qu’une feuille A4, pas plus épaisse qu’un porte-document, il ne s’était pas encombré. Du moins, qui pouvait le savoir ? Les inventaires ont remplacé la charge des sacs du monde réel. Entre l’abstrait et le concret, la limite était si mince qu’il avait l’impression de danser sur une corde qui lui faisait mal et qui lui était nécessaire. Mais il penchera toujours pour la déconnexion et le repos irremplaçable de quelques heures de sommeil ou la cuisine alléchante d’un traiteur du coin. Un sourire espiègle né sur son visage fermé tandis que ses yeux se posent sur les silhouettes dansantes dont les reflets sont tout aussi factices que les avatars. Il en cherchait un en particulier.

Il avait envie d’exposer son idée simple à un artiste de talent, contacté via les réseaux au départ, les deux jeunes hommes avaient échangé sur un projet simple, mais qui lui tenait à cœur. Pour lui, chaque proposition qui serait faite aurait son importance dans l’œuvre finale et chaque personnage devait être interprété par une personne. Le sens caché n’était pas compliqué, une métaphore peu subtile et qu’il ne cherchait de toute façon pas à cacher : le contexte était le jeu, les personnages étaient les avatars et les dessinateurs, les joueurs. Qui était maître ? Qui avait le plus d’importance ? Il savait par avance que ça n’avait rien de simple et il était ravi que Hyung Ja Kwon ait accepté son invitation. Maintenant, il ne restait plus qu’à discuter. Plus qu’à… oui, c’était l’essentiel, mais comme pour tout, il était plus facile de minimiser les choses, pour le meilleur, comme pour le pire.